En cette journée du patrimoine, c’est aussi l’occasion de découvrir ou redécouvrir un patrimoine agricole local oublié qui a dessiné nos campagnes: les béalières.
Plusieurs association proposent de les mettre à l’honneur.
« Le Terroir du Pays de Saint Félicien » organise des visites sur les béalières du Doux à Arlebosc et au Crestet.
Le mot «béalière» existe avec un certain nombre de variantes : «bialère», «biaillère», «biélière», «biel», béal », «bezal» ou «bezaou», selon les vallées et les villages.
Ce mot viendrait du gaulois «bedul» qui désigne un canal.
Dans la langue d’oil, ancêtre du Français, ce même mot gaulois a donné, au Moyen-Age, le mot «bied» devenu ensuite bief.
(Béalière au pied d’une terrasse)
Les béalières sont un élément essentiel et très antique de la civilisation rurale cévenole en général et vivaroise en particulier. Elles appartiennent au patrimoine historique et humain.
Petits canaux d’irrigation destinés à récupérer les eaux des ruisseaux ou des rivières, les béalières ou bialères autour de Lamastre, acheminent les eaux ainsi récupérées en suivant les courbes de niveau. Leur très faible pente en permet une distribution optimale au profit de cultures et de prairies. Grâce à ce système les agriculteurs ardéchois ont pu irriguer leurs prairies et mettre en valeur des terrasses cultivées, éloignées des fonds de vallée et soumises à une certaine sécheresse.
Au cours du XIXème, siècle de nombreux réseaux ont été créés sur tout le territoire ardéchois. Ce patrimoine est constitué d’un ensemble de petits ouvrages : ponts, canaux en pierre, aménagements de passages, écluses…
Au XXème siècle, la faible productivité des cultures en terrasses a conduit à leur abandon. seules quelques – unes subsistent de nos jours.
Quand elles ont été conservées, elles permettent de maintenir une agriculture de proximité (petites prairies, arbres fruitiers, maraîchage domestique…) tout en contribuant à une conservation de la qualité de l’environnement.
La béalière d’irrigation : son tracé suit les courbes de niveaux. A intervalles plus ou moins réguliers, le bord est aménagé de points de passage ordinairement fermés par une simple planche.
Lorsqu’on soulevait la planche (qu’il convenait alors de mettre en travers du cours normal), l’eau était déviée vers une parcelle particulière qu’elle irriguait ou vers un bassin qu’elle remplissait.
La béalière de moulinage : est construite à proximité immédiate de la rivière, quasi parallèlement, mais en faible pente régulière afin d’assurer un débit le plus constant possible. La force du courant est utilisée pour faire tourner des moulinages (travail du grain ou travail du fil de soie).
Les béalières de ce type sont très courantes en Ardèche méridionale.
La largueur des béalières peut parfois atteindre près d’un mètre mais aussi ne pas excéder vingt centimètres.
Dans notre région, elles étaient creusées dans la terre des pentes.
D’autres ont été cimentées ou busées sur une partie de leur parcours, compte tenu du relief escarpé traversé, notamment en Ardèche du sud.
Pour les creuser et les entretenir, le savoir-faire paysan avait mis au point un outil spécifique : de part et d’autre du trou permettant d’enfiler le manche (qui était relativement court), se trouvait d’un côté une sorte de pioche plate à bout rectangulaire, et de l’autre, une espèce de bec de perroquet tranchant qui facilitait la découpe des mottes d’herbe et racines.
Dans la région, cet outil était appelé en patois local « esterpo-jalha”, de esterpo: pioche et jalhon: tranchant. « Jalhar » signifiait tailler avec l’esterpo_jalha (prononcer « dzaïo »).
Quand au printemps on allait entretenir les “bialeires” on allait “abialer”.
Les béalières sont le plus souvent des propriétés collectives héritées du Moyen-Age : elles n’appartiennent pas nominativement à telles et telles personnes désignées sur des actes écrits. Elles sont en quelque sorte la propriété des terrains qu’elles traversent et auxquels elles donnent un droit d’eau.
Ces droits d’eau étaient strictement codifiés et réglementés par l’usage et le droit coutumier villageois : tel propriétaire pouvait détourner la totalité de l’eau de la béalière vers telle parcelle, tel jour, de telle heure à telle heure mais sitôt son créneau horaire achevé, le droit d’eau revenait à un autre propriétaire pour telle ou telle autre parcelle.
A la moindre indélicatesse de l’un ou au moindre dépassement d’horaire de l’autre, ce système pouvait entraîner des conflits de voisinage, dégénérant très facilement en altercations, insultes, bagarres et rancunes tenaces!
De nos jours, l’usage généralisé des pompes et des citernes a permis une autre régulation et une utilisation plus apaisée de ces antiques droits d’eau.
Plusieurs associations locales Ardéchoises tentent de redonner toute sa place à cet héritage du passé et de l’activité ancienne.
RAD (19/09/2021)
bonjour , je suis originaire de Mayres en Ardèche sud , pays de mes ancêtres et j’ai toujours la maison de famille , de plus je suis pêcheur à la truite , je connais très bien la rivière et je suis désolé de constater l’abandon des bélières et des beaux barrages qui permettaient la régulation de cette eau aujourd’hui gaspillée !!
Bonjour ELIE,
Merci pour votre message au sujet de l’abandon des béalières.
Je suis habitant d’une commune des hauts plateaux Ardéchois et dans mon hameau il existe 2 béalières non entretenues. J’ai décidé de remettre en eau celle qui me permettrait d’arroser mes pâtures comme dans le passé mais pour se faire, je dois traverser un terrain communal où le Maire de ma commune s’y oppose.
J’ai besoin de conseils pour savoir si je suis dans mon droit et éventuellement savoir ce que je dois faire.
Bien cordialement.